Lors de notre tour du monde en 2010, nos CTLS étaient capable de rester en l’air 22 heures et de parcourir le 10ème de la circonférence de la terre en un seul bond ! Extended range, le but de ce « projet dans le projet » est de doubler l’autonomie de notre RV-10 et de le rendre capable de telles enjambées si l’envie nous prenait, dans quelques années, de repartir à l’aventure !
Cela fait plusieurs années que je m’intéresse à cette modification qui consiste à ajouter une paire de réservoir dans le prolongement des réservoirs principaux. Des dizaines de RV volent déjà dans le monde avec cette configuration et des contacts avec plusieurs constructeurs dont Brian Foster en Afrique du Sud, Ashley Miller en Australie ou Michel Gordillo en Espagne m’ont grandement aidé pour finaliser ce projet. Un dossier technique complet a été présenté et approuvé par les autorités, condition sine qua non avant d’entreprendre cette modification majeure.

Le 14 septembre 2019 la construction des réservoirs principaux débute et quelques semaines plus tard le plan de bataille pour fabriquer les réservoirs auxiliaires est prêt. Le manuel de construction est rangé, il ne nous est de plus aucune utilité pour quelques mois, grand saut dans l’inconnu ! Les 3 challenges principaux sont : la fabrication des réservoirs eux-mêmes à partir d’une peau d’aluminium pré-pliée mais non pré-percée, la fixation sur l’âme du longeron et la fixation sur les semelles du longeron en transformant les trous initialement prévus pour des rivets en trous de fixations pour des vis (ce qui rend le réservoir démontable). La difficulté principale étant la précision avec laquelle il faut effectuer ces travaux : 2 ou 3/10 de millimètre pour aligner les 42 trous de fixation sur l’âme du longeron, idem pour les 140 trous entre la semelle supérieure et inférieure et les réservoirs eux-mêmes. C’est moins que l’épaisseur d’un trait de crayon !
De nombreux mois de travail seront nécessaire, c’est sûr.
L’année 2020 commence péniblement avec le décès de Daniel Koblet. Daniel était un aviateur et un mécanicien Suisse hors pair, très connu et reconnu dans le milieu de l’aviation historique. Il avait accepté d’être mon conseiller de construction malgré un emploi du temps bien chargé et des projets plein la tête. Nous avons passé de très bons moments ensemble durant cette première année, à l’atelier ou autour d’un bon verre. Nous parlions déjà du premier vol du « Spirit of Sion » et je me réjouissais de pouvoir partager cette aventure avec une personne attachante et ayant une telle expérience. Le destin en a décidé autrement.
Bon vol Daniel, et merci.
Les jours passent, l’esprit est ailleurs, je retourne finalement à l’atelier et retrouve petit à petit le plaisir de construire. Puis c’est le Coronavirus ! Le temps libre ne manque pas mais la motivation est au plus bas… Cette modification est un très gros morceau, les progrès ne se voient pas ou peu et je réalise soudainement la complexité de la tâche.

Insister c’est exister ! En quelques mois, au forceps, les 4 réservoirs sont finalement construits (encore assemblés provisoirement) et en avril les longerons sont modifiés avec succès ! une étape majeure est derrière nous. Nous apercevons le bout du tunnel et pouvons entreprendre le montage final et découvrir le dernier challenge : l’utilisation du Proseal, un mastic noir qui sent mauvais, qui colle absolument partout mais qui est indispensable à l’étanchéité des réservoirs du type intégral où le carburant est placé directement au contact de la structure. Chaque rivet, chaque joint, chaque interstice où le carburant pourrait fuir doit être traité… Vasita est là, son aide précieuse. Nous utiliserons 30 cartouches de cette pâte visqueuse en autant de séance longue de 2 à 4 heures !
A la mi-mai nous pouvons procéder au test de fuite numéro 1. Les réservoirs sont remplis de 110 litres d’eau afin de détecter d’éventuelles fuites avant de les fermer définitivement, c’est chose faite en juin. Puis c’est le moment de vérité, le test final : les réservoirs sont mis légèrement sous pression et de l’eau savonneuse pulvérisée sur le pourtour comme on le ferait avec une chambre à air de vélo. La moindre fuite provoquant l’apparition de bulles.
Résultat : aucune fuite sur aucun des 4 réservoirs… Alléluia !!
Quelle aventure ! Il aura fallu 8 mois pour penser et construire ces réservoirs, ça été une expérience formidable, hors des sentiers battus, avec ses hauts et ses bas mais heureusement, tout est bien qui finit bien.
Le manuel de construction et ses instructions rassurantes a retrouvé sa place !